La Libre Belgique: Vode juridique autour des bureaux temporairement aménagés logements

Des loyers de 200 à 300 euros par mois : comment l’occupation temporaire de logements bénéficie aux propriétaires et aux locataires

Libre Immo | Le dossier. Et si on participait à résorber la pénurie de logements en occupant temporairement les bureaux vides avec l’accord de leurs propriétaires? Le cadre légal est inexistant en Belgique, mais des pays voisins montrent l’exemple.

Plus d’un million de mètres carrés de bureaux sont inoccupés rien qu’à Bruxelles. Dans le résidentiel, il en serait de même de 15 000 à 30 000 logements. “En proposant d’occuper temporairement ces biens, nous cherchons à résoudre deux problèmes : le vide locatif et la pénurie d’espaces abordables, tant pour travailler que pour vivre”, explique Mathias Germeau, directeur commercial de Monoma Belgique. L’entreprise, filiale du groupe néerlandais Mosaic World, s’est lancée sur le marché belge il y a six mois et a repris certains des projets d’une autre société active sur ce segment, Camelot, dont les activités ont cessé. “Mais avec une autre approche. Monoma vise des projets de plus grande taille“, précise-t-il.

Les biens ciblés par l’entreprise peuvent être vides pour différentes raisons : attente d’un permis, succession, donation… “Les projets, quels qu’ils soient, peuvent prendre du temps“, constate Véronique Gérard, directrice adjointe de la Fédération bruxelloise unie pour le logement (FéBUL), qui pratique de l’occupation temporaire à finalité sociale, c’est-à-dire : pour un public précarisé. Elle cite notamment l’exemple de la rue du Progrès à Schaerbeek. “Près de la moitié de la rue, du côté du chemin de fer, a été rachetée par Infrabel pour l’élargissement des voies.

Les baux ont été transformés en conventions d’occupation temporaire pour leur permettre d’être rapidement rompues dès que les travaux débuteraient. Cela fait onze ans que ça dure…

Accord du propriétaire

Pas question de squat, ici, mais bien d’occupation temporaire. La grande différence ? Cela se fait avec l’accord du propriétaire. “Notre souci est de chercher les meilleures solutions pour les propriétaires afin d’éviter que le bien ne se dégrade; qu’on y commette des vols; qu’il soit squatté, tagué, etc., souligne Mathias Germeau. C’est aussi un plus pour les voisins, les communes…

Monoma s’occupe de la gestion du bien, de la recherche des locataires, etc., mais aussi de rendre les biens habitables, entre autres en transformant ceux qui ne sont pas affectés à du logement (installation de douches, d’une cuisine…). “Suivant les situations, c’est soit le propriétaire, soit nous qui nous chargeons d’investir dans ces transformations. Nous nous rémunérons sur les loyers“, précise Mathias Germeau. Ces loyers sont inférieurs à ceux qui seraient demandés pour des logements équivalents pourvus de baux classiques, puisqu’il s’agit de logements temporaires. De quoi répondre également à une demande pour des logements plus accessibles. En Belgique, les loyers collectés par Monoma sont compris entre 200 et 300

euros par mois. “En France, le loyer peut atteindre maximum 200 euros par mois. Aux Pays-Bas, il n’y a pas de montant déterminé mais, en règle générale, il ne dépasse pas un tiers du loyer pour un bien équivalent”, détaille Wouter Ommeslag, COO de Mosaic World.

Cadre légal inexistant

Si l’idée est pertinente, le problème réside dans le fait qu’il n’y a pas de cadre légal en Belgique. Dans aucune des trois Régions, plus précisément, puisque ce sont elles qui sont compétentes en matière de logement et d’urbanisme.

Deux situations peuvent se présenter. Dans le premier cas, le bâtiment vide est un immeuble de bureaux, un site industriel, une école… “Ce type de bâtiments ne convient pas pour l’instant à du logement temporaire car il faut prévoir une réaffectation en logement, une procédure qui prend du temps. Et du temps, on n’en a pas“, prévient Mathias Germeau. Dans le second cas, le bâtiment vide est déjà affecté à du logement. Même si la législation ne le prévoit pas, il est possible de l’occuper pour une courte durée moyennant une convention d’occupation temporaire.

Cependant, le problème des mètres carrés vides est surtout criant pour les immeubles de bureaux souligne Wouter Ommeslag. De plus, si le principe d’une convention d’occupation à titre précaire ou temporaire existe, cette notion n’est pas définie légalement et repose actuellement sur la jurisprudence. Elle dépend donc de l’opinion individuelle des juges, ce qui n’offre aucune certitude. On pourrait imaginer qu’un juge requalifie la convention en bail classique, empêchant ainsi le propriétaire du bâtiment accueillant du logement temporaire de pouvoir disposer de son bien rapidement, une fois le permis attendu obtenu, par exemple.”

En Région bruxelloise, en 2014, a été introduite dans le code du logement la mission pour les sociétés de logement social de faire de l’occupation temporaire, à destination de tout public. “Dans ce cadre, une convention type a été rédigée par la SLRB, la Société du logement de la Région bruxelloise“, souligne Véronique Gérard. “Mais il n’y a pas de loi qui dit ce qu’elle doit inclure. Il s’agit, en fait, de contrats innommés.

Des exemples en France et aux Pays-Bas

Pour les dirigeants de Monoma, les Régions devraient s’inspirer de ce qui se fait en France (Loi Elan) et aux Pays-Bas. En France, par exemple, il est possible de prévoir des logements temporaires dans des bureaux. De même, il existe des contrats à court terme pour les

immeubles résidentiels. Si on respecte certains critères, il n’est pas nécessaire de demander un permis, une autorisation du préfet suffit. “Et cela va très vite, avertit Wouter Ommeslag. Aux Pays-Bas, c’est encore plus simple. Il suffit d’informer la ville où se situe le bien. Elle peut contester le projet, bien sûr, mais dans 99 % des cas, elle ne le fait pas.” Présente dans neuf pays, Monoma travaille d’ailleurs souvent avec les villes et les communes. “Nous gérons depuis dix ans un bien de 55 000 m², propriété de la ville d’Amsterdam, en attendant que la ville décide de ce qu’elle va en faire. Nous y avons créé des espaces de travail et des logements.

Le concept de logement temporaire mis en place par Monoma offre aussi une solution pour les sans-abris ou les sans-papiers. À Amersfoort, aux Pays-Bas, la société gère pour six ans un bien communal où ont été créés des espaces d’accueil pour des jeunes entre 22 et 27 ans, des réfugiés et des sans-abri. “Pour ces deux derniers publics, c’est la commune qui paie la note.

Aux Pays-Bas, actuellement, nous offrons des espaces pour plus de 2 000 réfugiés. Les communes sont demandeuses des solutions que nous proposons car le gouvernement leur impose de prévoir un certain nombre de places pour les réfugiés. En Belgique aussi, de nombreuses communes disposent de biens vides…“, remarque Wouter Ommeslag, dont l’entreprise n’a pour l’instant en portefeuille en Belgique que les biens repris à Camelot. Soit quelques maisons appartenant aux communes de Zele et Brasschaat, au Port d’Anvers, ainsi que le domaine Bellenhof à Brasschaat.

Vers un nouveau cadre légal ?

Pour faire bouger les choses chez nous, Mathias Germeau a déjà rencontré des membres du cabinet du ministre du Logement flamand Matthias Diependaele. “Je leur ai envoyé les textes des cadres légaux français et néerlandais. Je n’ai pas encore eu de réponse mais j’ai relevé un certain intérêt de leur part. La demande pour ce type de logements est importante. Nous avons bon espoir que le cadre légal se mette en place.” Du côté wallon, la définition d’un cadre légal dépend du “nombre de bâtiments susceptibles ou non d’être dédiés à du logement temporaire“, répond-on au cabinet du ministre du Logement, Christophe Collignon, précisant qu’il est surtout impératif “de régler les questions de salubrité et de sécurité“.

Solange Berger

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